Philippe VI (1293 – 1350) — roi de France du 01 avril 1328 au 22 août 1350 —
en 1329, réunit l’assemblée de Vincennes afin d’avoir un avis sur les conflits entre la justice temporelle et la justice spirituelle. Pierre de Cuignières défend la supériorité de la justice du roi dans le domaine temporel de la Couronne.
La période du Grand Schisme d’Occident de 1378 à 1417
durant laquelle le monde chrétien est divisé entre trois papautés : celle de Grégoire XII (19) à Rome ; celle de Benoît XIII (20) en Avignon et celle de Jean XXIII (21) à Pise prendra fin par l’élection du pape Martin V (22) et constituera un terreau incomparablement fertile dans lequel prendra racine un des deux piliers fondamentaux du Gallicanisme :
« le principe de la supériorité du Concile universel sur le pape et la limitation des pouvoirs du souverain pontife. »
Ce XVIème siècle est, dans l’histoire des origines du Gallicanisme, une période décisive et ô combien édificatrice de l’Eglise Catholique Gallicane de France.
En effet, c’est aux Conciles de Paris de 1396 à 1398 que se placent ses premières manifestations. L’Université de Paris propose de décréter que les Conciles sont supérieurs au pape et fixe l’indépendance temporelle du roi. En mai 1398, le troisième Concile de Paris vote la soustraction d’obédience au pape Benoît XIII.
Le 14 janvier 1407, l’Église gallicane décide de reconnaître l’autorité du pape seulement au spirituel. Ce sont les Ordonnances royales de 1407 qui font passer le gallicanisme du domaine de la théorie à celui des réalités, en attendant que le Concile de Constance consacre la supériorité du Concile sur le pape.
*Au Concile de Constance (05 novembre 1414 – 22 avril 1418) convoqué par l’empereur Sigismond Ier —empereur des Romains, roi de Bohême et de Hongrie —, Jean Gerson,
Chancelier de l’Université de Paris, par un discours fondateur défend « la supériorité du Concile au dessus du pape ».
Le Concile de Constance mit fin au Grand Schisme d’Occident :
- par le Décret « Sacrosancta », affirme qu’il tient son pouvoir directement du Christ pour la réforme de l’Église et
- par le Décret « Frequens » se déclare institution permanente de l’Église chargé du contrôle de la papauté serait désormais dirigée par des Conciles périodiques.
Ce Concile de Constance sera donc à l’origine du Concile de Bâle (1431-1449) qui soutiendra le conciliarisme, qui est une théorie ecclésiologique affirmant « qu’un concile œcuménique a autorité suprême dans l’Église catholique, autrement dit qu’un concile général d’évêques constitue une instance supérieure au pape.» Le conciliarisme sous-entend donc que le Christ n’aurait pas fondé « l’Église sous forme monarchique (…) mais sous forme aristocratique. »
- Charles VI dit « le Bien Aimé ou le Fol » (1368 – 1422) — roi de France de 16 septembre 1380 au 21 octobre 1422 — porte en 1389 son obédience à l’anti-pape Clément VII (23) en Avignon, celui-ci lui répond qu’il a :
« singulière fiance » en lui « comme au bras dextre de l’Eglise et roi champion Très Chrétien.»
Cette désignation pour le roi de France de « Roi Très Chrétien » est le pendant à celui de « Roi Catholique » porté par le roi d’Espagne.
Le 22 mai 1398, après avoir longuement consulté l’assemblée du clergé à Paris, le roi promulgue une « Ordonnance de soustraction d’obédience » au pape Benoit XIII aux termes de laquelle il ne reconnait plus l’autorité du pape ; affirme l’indépendance temporelle du roi ; affirme la liberté de l’Église gallicane tout en confortant ses « anciennes libertés et franchises religieuses » et enfin fixe la supériorité des conciles généraux sur le pape. La décision est confirmée par l’Edit royal du 27 juillet 1398.
Le 14 janvier 1407, l’Église gallicane reconnaît l’autorité du pape au spirituel seulement. Le 18 février 1407, l’Université de Paris, avec l’appui du duc de Bourgogne et du Parlement de Paris, décide une nouvelle soustraction d’obédience temporelle à l’égard de Benoît XIII.
Pendant l’été 1408, un Concile national du clergé de France réuni à la Sainte Chapelle de la Cité à Paris, sous la présence de l’Archevêque de Sens, Jean de Montaigu, jette les fondements de l’Eglise gallicane en édictant des Décrets sur le gouvernement de l’Église gallicane. A cette occasion, Jean Gerson, Chancelier de l’Université de Paris, développe l’idée selon laquelle un pape parjure ou corrompu peut être licitement déposé et soumis au jugement du concile général en vertu d’un « pouvoir supérieur qui peut agir dans l’intérêt général de la république chrétienne ».
*Le Concile de Bâle en 1431 confirme le Décret « Frequens » remontant au Concile de Constance (1414 -1418).
*Charles VII dit « le Victorieux » (1403 – 1461) — roi de France de 21 octobre 1422 au 22 juillet 1461 —
le 7 juillet 1438, au sortir du Grand Schisme, opère une réception des Décrets du Concile de Bâle tenu en 1431 et publie, avec l’accord du clergé français réuni à Bourges, « la Pragmatique Sanction de Bourges », constitutive d’une véritable Charte de l’Eglise de France qui acte la légitimité de l’intervention du monarque dans les affaires ecclésiastiques.
Par cette « Pragmatique Sanction de Bourges » aux termes de laquelle Charles VII s’affirme « protecteur et gardien des droits de l’Eglise de France », se trouve consacré en fait le principe posé par son prédécesseur Charles VI en 1408.
Durant la première moitié du XV ème siècle, les Armagnacs soutenant Jeanne d’Arc sont partisans des gallicans, les Bourguignons des papistes.
C’est au terme de cette évolution que le Gallicanisme acquiert une acception quasi définitive au travers des principes qui ne seront dès lors plus contestés.
Ainsi, l’Eglise de France se gouverne de manière indépendante à l’égard d’un pape dont les pouvoirs sont limités par les Canons, et elle repose sur le soutien du souverain.
*La période allant de 1438 jusqu’à la fin du XVI ème siècle soit 1600
est témoin d’une accélération du courant gallican et la force des thèses gallicanes ne se démentira plus. En effet, l’humanisme juridique, l’esprit de la Réforme protestante, la critique des moeurs d’une curie romaine jugée décadente suscitent un mouvement de scepticisme plus prononcé encore à l’égard de la papauté ; comme d’ailleurs, les guerres de religion et l’essor du sentiment national rompent l’unité médiévale de la chrétienté.
Le Gallicanisme s’enracine comme une altération sensible de l’idée d’universalité qui est l’essence même du catholicisme.
*Louis XI dit « Le Prudent » (1423 – 1483) — roi de France de 22 juillet 1461 au 30 août 1483 —
publie le 8 janvier 1475 une Ordonnance royale stipulant que toute décision du pape doit être approuvée par le roi de France avant d’être présentée au Parlement de Paris pour enregistrement et devenir applicable en France ; le pape Sixte IV (24) la condamne.
*Charles VIII dit « l’Affable » (1470 – 1498) — roi de France du 30 août 1483 au 07 avril 1498 —
alors qu’il était venu présenté son obédience au pape, en ces termes : « Saint Père je suis venu faire obédience à Votre Sainteté, comme ont accoutumé de faire mes prédécesseurs rois de France » ; fut le premier roi désigné dans l’histoire, le 14 janvier 1495, par le pape Alexandre VI (25) de :
« Fils aîné.»
Cet épithète « ainé » apparue donc pour la première fois le 14 janvier 1495, est appliquée non au royaume mais à la personne du roi, et acte les liens nourris entre la France et le Saint Siège.
Cette qualité de « Fils aîné » sera régulièrement rappelée de la façon la plus officielle, avec quelques variantes formelles, d’une part, dans les discours des ambassadeurs, dans les correspondances diplomatiques, dans les traités et chez les orateurs sacrés ; et d’autre part, par les différents monarques ou pontifes jusqu’à la fin de l’Ancien Régime.
Puis cet épithète sera à nouveau mise en exergue à la Restauration pour y revêtir une acception nouvelle allant de « Fils aîné » de l’Eglise à « Fille aînée » de l’Eglise au travers de deux dates :
le 04 décembre 1836 dans un rapport rédigé par le bienheureux Frédéric Ozanam à la Société de Saint Vincent de Paul dont il est le fondateur ; la France est qualifiée, pour la première fois dans l’histoire, de « Fille aînée de l’Église de Jésus » :
« Comme les rayons du soleil qui, sans se détacher de l’astre, vont éclairer tous les points de la terre ; comme le sang qui, parti du coeur, va porter la vie aux extrémités ; puissent nos conférences émanées de celle de Paris, s’étendre par toute la France, régénérer la jeunesse de cette belle contrée, lui préparer des destinées meilleures, l’aider à redevenir croyante et heureuse ; la France qui est la patrie de saint Vincent de Paul, la terre consacrée à Marie, la Fille aînée de l’Eglise de Jésus Christ. »
le 14 février 1841, dans son « Discours sur la vocation de la nation française », prononcé à Notre Dame de Paris, le dominicain Henri-Dominique Lacordaire, restaurateur des Frères prêcheurs, reprendra l’axiome de « Fils et Fille aînée de l’Église » :
« La nation française était la première nation catholique donnée à Dieu par son Eglise. Il a plu à la papauté d’appeler nos rois les « Fils aînés de l’Eglise. »
« De même que Dieu a dit à son Fils de toute éternité : tu es mon premier-né ; la papauté a dit à la France : tu es ma Fille aînée. »
Au lien politique et personnel entre le roi et le pape : « Fils aîné » s’est donc substitué une relation privilégiée entre le pape et la nation française « Fille aînée » ; marquant ainsi la place éminente occupée par la France dans l’ensemble de la chrétienté catholique.
Après la chute de Louis XVIII en 1848, le gouvernement de la II ème République repris officiellement à son compte l’expression : « Fille aînée de l’Eglise » qui depuis lors est toujours d’actualité.
*Louis XII dit « le Père du peuple » (1462 – 1515) — roi de France de 07 avril 1498 au 01er janvier 1515 —
fut présenté le 21 avril 1505 par son ambassadeur à Rome au pape Jules II (26) en consistoire public comme :
« Maximus natu filiu »
c’est à dire « l’aîné de plusieurs enfants. » Dès lors, le roi de France est donc bine le fils aîné par apport à tous les autres princes chrétiens.
Il reste que le roi Louis XII à qui l’appui de l’Église de France est nécessaire pour lutter contre le pape Jules II, convoque l’assemblée du clergé qui, réunie à Tours en Septembre 1510, renouvelle l’affirmation des libertés gallicanes. L’assemblée récuse les guerres temporelles du pape contre les princes, autorise les combats royaux et nationaux contre le Vatican, annule toute excommunication pontificale et proclame la supériorité du Concile général sur la papauté.
Le Concile gallican de Pise (Pise 1511 – Milan 1512), convoqué par Louis XII, dépose le pape Jules II pour une pluralité de motifs. Les prélats quittent ensuite Milan et se retirent à Lyon où ils veulent continuer leur Concile, mais sans succès.
*A la charnière des XVI ème siècle et XVII ème siècle
les juristes français se rallient à un Gallicanisme qui offre l’avantage d’une synthèse française équilibrée permettant d’éviter le schisme tout en combattant les progrès de la Réforme protestante. Les parlementaires parisiens défendent avec force les libertés gallicanes qu’ils élèvent au rang de lois fondamentales du royaume. Ainsi, les principes gallicans participent de l’essence de la monarchie française, au point d’être intégrés dans la Constitution de l’Etat.
*François Ier (1494 – 1547) — roi de France du 01er janvier 1515 au 31 mars 1547
— le 11 décembre 1505 au lieu d’envoyer un ambassadeur pour la prestation d’obédience que les souverains chrétiens doivent à chaque nouveau pape, vient en personne jurer fidélité au pape Léon X (27) comme :
« Le fils aîné à son père, le plus grand des rois au souverain pontife, le prince Très Chrétien au chef de la chrétienté »
Le roi François 1er représenté par son Chancelier, Antoine Duprat, signe le 18 août 1516 le Concordat de Bologne avec le pape Léon X qui met fin à « la Pragmatique Sanction de Bourges » et tempère le gallicanisme. Il permet la mise en place dans le Royaume de France du régime de la commende : les évêques et abbés ne sont plus élus mais choisis par le roi de France ; après avoir été investis spirituellement par le pape, ils jurent fidélité au roi de France qui leur donne leur charge temporelle. François I er obtient la suppression des évêchés de Bourg et de Chambéry et l’autorisation de prélever un décime (dixième) sur tous les biens de l’Eglise de France.
Le Concordat de Bologne, contenu dans la Bulle pontificale « Primitiva illa ecclesia », sera jusqu’en 1790 la charte de l’Église gallicane.
Le 13 mai 1517, dans les lettres patentes de ratification du Concordat de Bologne, le roi François 01er se déclare premier et souverain Fils de l’Eglise à la suite de ses ancêtres :
« Francie reges majores nostros ut primos ac maximos sacrasancte Ecclesia filios »
– Force est de souligner un écrit pontifical ô combien gallican, celui du pape Adrien VI (28) qui n’hésita pas, après son élection au trône de Saint Pierre, à rééditer à Rome en 1522 son « Commentaire sur le Quatrième livre du Maître des Sentences de Pierre Lombard » qui avait fait l’objet d’une première édition à Paris en 1316.
L’un des commentaires du professeur de théologie d’alors — devenu souverain pontife et donc chef de l’Eglise romaine — enseignait que les Papes ne sont pas infaillibles.
Ainsi, le pape Adrien VI a dit, à son siècle et à la postérité :
« Il est certain que le souverain Pontife, chef de l’Eglise romaine, peut errer même sur la foi, en avançant une hérésie dans les décisions ou décrétales, c’est-à-dire en prononçant ex cathedra, avec toute l’autorité de chaire suprême. »
« Les hommes n’ont changé ni mes mœurs ni ma doctrine, l’opinion que vous avez reçue avec applaudissement d’Adrien Florent est encore celle du pape Adrien VI ; je ne m’aperçois pas que la tiare m’ait donné le privilège de l’infaillibilité, que je n’avais pas comme docteur de Louvain .
On ne m’accusera pas, j’espère, d’avoir cherché à dissimuler l’existence d’un fait, qui peut fournir contre ma thèse les plus graves difficultés. »
Il est acquis que cette prise de position pontificale devait autoriser légitimement tant Mgr Jacques-Bénignes Bossuet, Evêque de Meaux ; que Mgr Gilbert de Choiseul du Pressis-Praslin, Evêque de Comminges et de Tournai ; que Monsieur l’abbé Louis Maimbourg, Jésuite et prédicateur ; et enfin, Mgr de Barrai – Archevêque de Tours :
- d’une part, de faire ressortir la force d’un aussi puissant argument émanant d’un pape grand érudit et grand théologien
- d’autre part, d’utiliser les écrits et les paroles du pape Adrien VI, comme bouclier pour repousser les vives attaques dont la Déclaration de 1682 et donc le gallicanisme était l’objet.
*Charles IX (1550 – 1574) — roi de France du 05 décembre 1560 au 30 mai 1574
— étant encore mineur lorsqu’il monte sur le trône, c’est sa mère Catherine de Médicis qui assure la régence du royaume. Et le 10 février 1564, le nonce apostolique en France Prospero Santacroce relate un entretien qu’il a eut avec la reine pour lui demander de promulguer les décrets du Concile de Trente en ces termes :
« Je priai instamment Sa Majesté de vouloir bien, en tant que reine Très Chrétienne et Fille aînée de l’Eglise (figliuola primogenita) préparer la voie aux autres princes chrétiens et donner au monde ce nouvel et éclatant témoignage de la bonne et pieuse pensée quelle a de faire observer les décrets de ce célèbre et grand Concile »
Ainsi pour la première fois dans l’histoire, le 10 février 1564, on trouve ici l’expression littérale : « Fille aînée de l’Eglise » ; qui ne désigne pas pour autant la France mais la personne de la reine de France. C’est en quelque sorte le « Fils aîné de l’Eglise » mais au féminin.
La qualité de « Fils aîné de l’Eglise » reste invoquée de façon constante par le roi de France lors des conflits de préséance qui opposent de manière récurrente ses représentants à ceux du roi d’Espagne. Ainsi, le 30 mars 1564, l’ambassadeur du roi Charles IX fait savoir au pape Pie IV (29) :
« Le Roi Très Chrétien demande à être purement et simplement maintenu aux même rang et lieu qu’ont été ses prédécesseurs depuis 1200 ans. Quand le pape lui baillera ce lieu qu’il ne peut justement dénier, il fera chose digne d’un bon père qu’il ne veut point faire de tort à son Fils aîné.»
19) Pape Grégoire XII – Pontifex maximus du 30 novembre 1406 au 04 juillet 1415
20) Pape Benoît XIII – Antipape de l’Eglise catholique du 28 septembre 1394 au 23 mai 1423
21) Pape Jean XXIII – Anti-pape de l’Eglise catholique de 1410 à 1415
22) Pape Martin V – Pontifex maximus du 11 novembre 1417 au 20 février 1431
23) Pape Clément VII (anti-pape) – Pontifex maximus du 20 septembre 1378 au 16 septembre 1394
24) Pape Sixte IV – Pontifex maximus du 25 août 1471 au 12 août 1484
25) Pape Alexandre VI – Pontifex maximus du 11 août 1492 au 18 août 1503
26) Pape Jules II – Pontifex maximus du 01 er novembre 1503 au 21 février 1513
27) Pape Léon X – Pontifex maximus du 11 mars 1513 au 01 décembre 1521
28) Pape Adrien VI – Pontifex maximus du 9 janvier 1522 au 14 septembre 1523
29) Pape Pie IV – Pontifex maximus du 25 décembre 1559 au 09 décembre 1565